Espagne

Notre dernière étape du Chemin : El Camino Francés

En Espagne, le chemin emprunté par l’évêque Godescalc, en l’an 951, se nomme Camino Francés (chemin français). Ce chemin est donc la voie que nous avons choisi pour terminer notre pèlerinage sur la partie espagnole. D’autres pèlerins, une fois arrivés à Saint-Jean-Pied-de-Port, bifurquent pour prendre la voie nommée Camino del Norte (chemin du nord), et qui, comme son nom le laisse supposer, rejoint la ville de Saint-Jacques-de-Compostelle par le nord de l’Espagne, plus exactement en longeant l’océan atlantique. Comme indiqué dans le précédent article, La voie du Puy, nous avons choisi de suivre l’itinéraire historique emprunté par Godescalc, car il est chargé d’histoires.

Le Camino Francés débute à Saint-Jean-Pied-de-Port, dans les Pyrénées-Atlantiques, où nous faisons la connaissance d’une famille espagnole. Les premiers échanges en espagnol sont assez difficiles, d’autant plus qu’ils sont originaires de Barcelone et emploient donc parfois des mots de catalans. Mais c’est agréable d’essayer d’échanger dans cette langue!

La première étape comporte le dénivelé le plus important sur l’ensemble du Chemin, environ 1200m pour être plus précis. Elle est redoutée par beaucoup de pèlerins, et sur la partie française on nous en a parlé plus d’une fois. Toutefois, elle est loin d’être difficile car étant partis du Puy-en-Velay, cela fait déjà plus de 740 km que nous marchons et avons donc une certaine condition physique. De plus, les 1200m de dénivelé sont à parcourir sur environ 21 km. Autant dire que l’inclinaison est assez faible!

Pour nous, la difficulté a été tout autre. Nous avons eu un brouillard épais du début à la fin, tellement épais que parfois nous ne voyons pas à plus de 5 mètres devant nous! Évidemment, pour corser le tout, la pluie est venue s’ajouter ainsi qu’un froid glacial et un vent assez fort. En résumé, on était trempés jusqu’aux os et on avait extrêmement froid! Si froid que l’on avait du mal à bouger nos doigts. Nous avons parcouru les 27 kilomètres en seulement 5h30. On avait tellement froid et hâte d’arriver au gîte pour se mettre au chaud que l’on n’a fait aucune pause. Finalement, une fois arrivés à Roncesvalles, en Espagne, il nous a fallu attendre plus d’une heure pour que le gîte ouvre ses portes. Fort heureusement, il y faisait un grand soleil. On n’est pas en Espagne pour rien! Dès la frontière passée il faisait beau.

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En gravissant les Pyrénées, la vue sur les montagnes en moins

Le Camino Francés étant la voie la plus fréquentée, notre gîte en fin de première étape était immense! Plus de 200 personnes peuvent y dormir, réparties sur seulement deux chambres! Ça nous change de la poignée de lits que l’on retrouve en France. Arrivés les premiers, nous avons pu prendre immédiatement notre douche. Une fois sortis, une longue file d’attente s’était formée dans la salle de bain qui comportait une dizaine de douches. Il ne fallait pas s’éterniser! Malgré toutes ces personnes, et un début de soirée assez bruyant, la première nuit a été relativement calme. Bon, il se peut que les boules Quiès y soient pour quelque chose.

Grâce aux feuilles listant les différents hébergements sur le Chemin, obtenues à l’association des Amis du Chemin de Saint-Jacques à Saint-Jean-Pied-de-Port, nous pouvons facilement découper nos propres étapes en fonction de notre force physique. Le très gros avantage du Camino Francés, c’est qu’il traverse un village pratiquement tous les 5 kilomètres. De cette façon, on a toujours la garantie de trouver à boire, et de quoi se ressourcer au près d’une alimentaciòn (épicerie en espagnol) ou se soulager aux toilettes d’un des nombreux petits bars qui longent le Chemin.

Contrairement à ce que beaucoup de personnes ont pu nous dire en France, les églises sont en très grande majorité ouvertes et gratuites. Elles valent le détour car elles sont bien différentes de celles que l’on a l’habitude de voir en France. D’ailleurs, certaines églises proposent un espace gîte d’étape pour pèlerins. L’accueil y est donc chrétien, mais il est parfaitement toléré de ne pas être pratiquant ou d’être de confession religieuse différente. L’acceptation de l’autre avant tout! La plupart de ces gîtes proposent de dormir parterre sur un matelas de gym. On ne s’y attendait pas la première fois! L’atmosphère qui y règne est vraiment à l’opposé d’un refuge classique.

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Un matelas de gym en guise de lit!

Nous avons passé les deux premières semaines du Camino Francés à retrouver à chaque fin d’étape la famille barcelonaise. On s’est petit à petit lié d’amitié malgré la barrière de la langue. Ils ont fait le choix de faire le Chemin en deux fois. Le leur s’est donc arrêté à Burgos, juste avant la Meseta. Le matin de leur dernière étape, on se souhaite en coup de vent un traditionnel « buen camino » puis on file chacun à notre rythme vers Burgos. Malheureusement, on ne les a plus jamais revus. Nous étions certains de dormir comme d’habitude au même gîte, mais il en était autrement. Après 2 semaines de partage et de gentillesse, ça nous a vraiment attristés de ne pas pouvoir leur dire aurevoir comme on le souhaité. Il faut profiter de chaque instant!

En parlant de Burgos, encore une fois, on a très souvent entendu sur le Chemin en France, ou lu sur internet, que l’arrivée à Burgos est très difficile, voire choquante, car on doit traverser une très grande zone industrielle pendant 2h, voire selon certains pendant 3h! Bon nombre de pèlerins nous avaient conseillé de prendre le bus pour zapper cette partie. Non, pour nous, il était hors de question de prendre un raccourci. Si le Chemin nous fait passer par cette difficulté, alors soit, affrontons-la! Bon, je ne sais pas si on été sur-motivés ou si c’est dû à autre chose, m’enfin nous avons mis 45mn pour traverser la zone qui était plutôt une zone commerciale. Prendre le bus pour s’éviter de marcher 45mn alors qu’on doit marcher plus de 1600km? Étrange choix. Quoi qu’il en soit, Burgos est la plus grande ville que l’on traverse sur l’ensemble du Chemin. Toutefois, on a eu le temps de s’habituer progressivement à la foule des grandes villes en traversant notamment Pamplona, célèbre ville pour son lâcher de taureaux dans les rues. À ne manquer son aucun prétexte à Burgos : sa magnifique cathédrale. Sans aucun doute la plus belle du Chemin!

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L’arrivée à Burgos après quelques kilomètres en zone

Entre Burgos et Leòn se trouve la Meseta (le plateau en espagnol), qui comme son nom le laisse supposer, est un haut plateau d’Espagne situé à 900m d’altitude en moyenne. Il est désertique et aride. À tel point que, là encore, beaucoup de pèlerins prennent carrément le bus pour rejoindre Leòn et sautent donc plus de 180 km! Pour les anciens qui ont pris le bus, on nous dit régulièrement : « C’est moche ! » « Y a absolument rien à voir ! » ou encore « On s’ennui à mourrir ». On n’a pas dû faire le même Chemin… C’est beau. C’est tout ce qu’il y a de plus beau! Alors oui, effectivement, c’est assez plat, rectiligne et il y a énormément de champs de blé sur le coté. Mais qu’est-ce que c’est beau! Notre esprit a largement le temps de s’évader ici. Petit conseil toutefois, le chemin que l’on emprunte sur la Meseta ne compte pas énormément de passages sous les bois. Il est donc judicieux de partir à l’aube, voire sous les étoiles, pour éviter de marcher trop longtemps sous la chaleur écrasante de l’après-midi en plein été. Le soleil brûle, la chaleur nous fatigue et l’on a l’impression de parcourir le double de kilomètres!

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La Meseta est relativement plate et rectiligne

Une des bonnes surprises sur la Meseta, c’est sans nul doute le refuge chrétien de Carrion de los Condes, où nous avons été accueillis par 4 sœurs vraiment adorables. À de nombreuses reprises elles ont chantés pour nous, et l’une d’entre elles à une voix particulièrement belle! C’était magique. De plus, le cadre est vraiment très beau et agréable, et le soir elles nous ont préparé un succulent repas!

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Nos chanteuses religieuses préférées 🙂

Un peu plus loin sur le Camino Francés se trouve la Cruz de Fero. La tradition veut que l’on y dépose un caillou que l’on aurait prit de chez soi. Visiblement, la tradition est respectée puisqu’une gigantesque montagne de cailloux se trouve au pied de la Cruz de Fero. N’ayant plus de « chez nous » depuis plusieurs mois suite à notre road trip de 6 mois en Nouvelle-Zélande, nous y avons déposé une fleur. La Cruz de Fero a tout de suite plus de gueule 😛

La Galice est la dernière province traversée. Pour rappel, elle se trouve à l’extrême ouest de l’Espagne, au bord de l’océan Atlantique, juste au-dessus du Portugal. Lorsque l’on est passé devant la borne nous indiquant notre arrivée en Galice, les larmes nous sont montées en un clin d’œil. Cela faisait plus de 60 jours que l’on marchait dans cette direction. On a traversé 8 départements en France et 4 provinces en Espagne avant d’arriver ici. Wow! Tous ces paysages traversés, tous ces chemins empruntés, toutes ces personnes rencontrées. C’est une expérience qui marque!

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Après plus de 60 jours de marche, on arrive en Galice!

Cette dernière province, plus proche de l’océan, est vraiment belle, verte et légèrement montagneuse. Elle nous donne du baume au cœur pour arriver jusqu’à la fin de notre Chemin.

À partir des 100 derniers kilomètres, à Sarria, une véritable foule est présente sur le Chemin! Les 100 derniers kilomètres du Chemin suffisent à obtenir la Compostela, le diplôme du pèlerin. Alors l’immense majorité des gens débutent à Sarria. D’autres font ce choix pour le faire en famille avec de jeunes enfants, ou parce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir plus de jours pour effectuer leur pèlerinage. On a également vu un très grand nombre de jeunes étudiants. Comme nous y étions en juillet, ils venaient de finir leur année scolaire et venez s’éclater sur le chemin en partant avec des collègues de classe. L’esprit est forcément bien différent du reste du Chemin.

On s’était habitué à la foule des villes, car en ville tout le monde va dans des directions différentes, et puis on sait à l’avance qu’en ville s’est bruyant et peuplé. Mais sur le Chemin, en pleine nature, avancer en troupeau de plusieurs kilomètres de long avec des enfants qui courent et des gens qui écoutent la musique à fond, on ne s’y était pas préparés. Heureusement pour nous, nous nous levions relativement tôt le matin pour partir de très bonne heure. On faisait donc la majorité de notre étape seuls avec la nature. Un bon conseil également, décaler ses étapes pour ne pas tomber avec les étapes principales où tout le monde s’arrête pour dormir. Il y a tellement de monde qu’il faut s’armer de patience avant de pouvoir rentrer dans un refuge. Et après des heures de marche, on a plutôt hâte de prendre sa douche et s’allonger un peu!

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L’attente peut être longue devant les refuges

À propos des refuges, il faut savoir que les refuges municipaux de Galice mettent tous une cuisine à disposition mais sans aucun ustensile. Pas de quoi s’affoler, l’Espagne propose de nombreux menus du pèlerin, aux environs de 11€, comprenant 2 plats, le dessert et un verre de vin. À noter que la majorité des « restaurants » ne veulent étrangement pas remplacer le verre de vin par de l’eau ou un soda. Quoi qu’il en soit, nous vous conseillons vivement de goûter en Galice la tarte aux amandes, ou tarte de Saint-Jacques, un vrai délice!

Nous sommes arrivés à Saint-Jacques-de-Compostelle très tôt dans la matinée car on nous avait indiqué qu’il y avait déjà au moins 2h de file d’attente 1h avant l’ouverture du bureau délivrant la Compostela. Voulant profiter un maximum de notre temps pour visiter la ville, on a donc logiquement préférés y aller tôt. Je ne sais pas si c’est le fait qu’on soit arrivés 2 jours après la fête de la Saint-Jacques, mais à l’heure d’ouverture du bureau, nous étions seulement 5 à attendre… On a eu le temps d’admirer la cathédrale de l’apôtre. Bon, admirer est un bien grand mot car l’extérieur de la cathédrale est en travaux, les échafaudages l’entourent et nous empêche de profiter de l’architecture. Pour être tout à fait honnête on a été très déçus car, selon nous, la cathédrale n’est pas vraiment belle. On voulait profiter d’être arrivés tôt pour flâner en ville. Mais il n’y a pour ainsi dire pas grand chose à voir ou faire.

Direction donc le cap Fistera, là où la Terre finie! Environ 3 jours de marche pour l’atteindre, avec un calme enfin retrouvé puisque 90% des pèlerins font le choix de s’arrêter à Saint-Jacques-de-Compostelle. Calme, oui, mais pas déserté. Il y a tout de même plusieurs pèlerins.

L’arrivée à Fistera nous a fait un bien fou, nous voyons l’océan que nous n’avions pas vu depuis très longtemps! On ne s’attendait à rien du tout pour ce lieu, mais c’est vraiment beau et envoutant. Nous tenions particulièrement à poursuivre notre Chemin jusqu’ici, jusqu’au bout du Monde.

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L’océan Atlantique à Fisterra

Et voilà. Après des kilomètres et des kilomètres parcourus ensemble pendant des jours et des jours. Après la pluie, la boue, la grêle, le vent glacial mais aussi les ciels bleus, les ciels pleins d’étoiles, parfois filantes, souvent scintillantes. Après les douleurs et les difficultés à avancer, mais aussi la joie de se lever chaque matin pour découvrir un paysage nouveau. Après toutes ces rencontres magnifiques qui ont duré seulement l’instant d’un sourire partagé ou au contraire pendant des semaines. Nous sommes arrivés ensemble à la borne kilométrique 0,00 de notre Chemin de Compostelle. Ici, notre chemin s’arrête. Ici, nous ne pouvons pas aller plus loin. Ici, il n’y a plus de terre, il ne reste que l’océan. Et pourtant, on n’a jamais autant eu le sentiment de pouvoir aller de l’avant qu’à partir de maintenant!

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Borne kilométrique 0,00 km
09 septembre 2016
Photo de Rémy
À propos de l'auteur : Rémy

« Passionné par la découverte de nouvelles choses, les grands espaces et la randonnée! C'est à l'autre bout du Monde, en Nouvelle-Zélande, que j'ai souhaité commencer à vivre de nouvelles aventures. Puis rapidement, d'autres aventures se sont suivies. »

Commentaires

  1. Belle aventure de parcourir le chemin de Compostelle bravo !!!!! Que cette experience vous serve dans votre vie future aller toujours de l’avant !!!!!

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